© Ce blog présente les ouvrages de
Camille Rouschmeyer
parmi ses écrits et ses photographies au jour le jour.





lundi 10 décembre 2012

au pied du mur


Quand j’étais enfant, Saskia était déjà une jeune femme. Et je connaissais d’elle son image puisqu’elle était projetée à intervalles irréguliers sur le grand mur blanc. Je me souviens que je m’enfuyais souvent de la maison pour aller m’adosser à l’arbre le plus proche du mur. Trop proche, en vérité, puisque je ne pouvais alors voir Saskia dans sa totalité, mais seulement par petits morceaux éclatés ou, si je m’efforçais de laisser libre mon regard, par champs de couleurs un peu brouillées. Rien n’y faisait, il fallait que je m’évade pour la regarder, quand bien même je n’avais rien d’autre d’elle que ces pauvres fragments inutiles. Saskia était la première femme née après la fin du monde et le monde la vénérait. C’est ce que les maîtres d’école nous enseignaient, le premier chapitre de la Nouvelle Histoire, intitulé tout simplement Saskia.

Saskia aurait pu naître difforme, ou aveugle, elle aurait pu mourir à peine née, ou perdre l’envie de vivre, comme tant d’autres après elle. De tous les enfants nés en ces jours sombres et terrifiants, elle fut la plus forte, la plus intrépide, la plus vivante. Les livres qui parlaient d’elle la décrivaient toujours ainsi, et peut-être disaient-ils vrai. Etait-elle la plus vivante, la plus forte, la plus intrépide ? Je n’ai pas ce souvenir. Elle me semblait au contraire vulnérable, et pourtant c’était d’elle que je tirais la certitude de pouvoir vivre éternellement. Car même si c’était de vie éternelle que nous parlait la Nouvelle Histoire, personne n’y croyait vraiment. Seule Saskia nous y faisait croire. Elle tirait de sa poche un morceau de craie bleue et traçait au sol un grand cercle imparfait. Et dans ce cercle nous devenions immortels, ou du moins nous nous sentions immortels.

Sur le mur nous pouvions contempler aussi les forêts d’antan, les essences d’arbres disparues, les fleurs oubliées, les bêtes apprivoisées. Sans discontinuer les images se succédaient à un rythme aléatoire que personne n’était en mesure de prévoir, ce qui générait dans les esprits la certitude fébrile et craintive qu’il fallait demeurer là, au pied du mur, jusqu’à ce que l’image que l’on voyait s’estompe et soit remplacée par une autre. Ainsi il m’est arrivé plusieurs fois de m’endormir et lorsque je me réveillais, l’image n’avait pas changé. Cela signifiait-il qu’elle était restée sur le mur durant toute la durée de mon sommeil ? Ou avait-elle été remplacée par d’autres pour y être à nouveau projetée juste avant que je m’éveille ? Quand j’y réfléchissais – car j’y réfléchissais déjà – je penchais plus souvent pour la première hypothèse car il me paraissait tout simplement impossible que le projectionniste soit capable de prévoir l’instant où je me réveillerais. Mais je n’en étais pas certain et je me surprenais parfois à imaginer que le projectionniste lisait dans mon cerveau et décelait au millième de seconde près l’instant où j’allais émerger de mon endormissement. Dans ce fantasme je trouvais un plaisir subtil à me dire que je n’étais donc jamais seul, même lorsque je dormais. Je faisais partie de la Nouvelle Histoire et Saskia avait été ma mère bien avant la mienne.

lundi 19 novembre 2012

Mobile





mardi 13 novembre 2012

Ardoise magique


lundi 12 novembre 2012

dimanche 11 novembre 2012

Figurines


lundi 29 octobre 2012

Bleue


samedi 13 octobre 2012

08.06.31


jeudi 11 octobre 2012

Brume





mardi 9 octobre 2012

Fascination




















lundi 8 octobre 2012

Mémoire vive

Comment font-ils, ces chers visages, pour m'apparaître jour après jour alors qu'ils ne sont plus que cendres ?

dimanche 7 octobre 2012

Chambre avec vue


mardi 2 octobre 2012

Les figurantes


dimanche 30 septembre 2012

Fantasme

Elle n'aurait rien fait de mal. Seulement fait sa valise.




samedi 29 septembre 2012

Nuit blanche


lundi 24 septembre 2012

Jeux de billes







mardi 18 septembre 2012

Soir d'été

     photo : Alain Rouschmeyer

jeudi 13 septembre 2012

cruel duvet


Les arbres formaient une forêt sombre et dense, une voûte contre laquelle les rayons du soleil se heurtaient et mouraient jusqu’à l’arrivée de la nuit. Alors la lune prenait leur place et trouait le ciel noir, ne laissant à la lumière que la surface de son cercle parfait.  Des fourmis cavalaient entre les feuilles et les branches tombées à terre, se faufilaient, escaladaient, dégringolaient, se redressaient, repartaient, tombaient, piétinaient, parfois mouraient elles aussi. Un oiseau aux yeux jaunes sautait par-dessus les racines tordues d’un chêne au tronc pelé. Des vers s’étaient glissés sous son écorce et avaient mangé sa chair blanche, avant de s’en aller vers un autre festin. Sous la mousse rampaient des milliers de minuscules créatures voraces, à l’appétit insatiable, dont les pattes étaient pourvues d’aiguillons, les yeux de facettes, la bouche de crochets.
Joël marchait en levant haut les genoux pour ne pas les égratigner aux épines des ronces, mais il ne pouvait éviter le cruel duvet des orties.

mercredi 12 septembre 2012

15h15


Le petit garçon descendit les marches du perron, fit cinq pas et s’arrêta. Son regard embrassa la rangée d’arbres de l’autre côté de la route, les voitures garées le long du trottoir, le tas de feuilles mortes dans le caniveau entre une Audi noire et une Volvo grise, et le panneau signalant une série de ralentisseurs. Il s’accroupit, tenta plusieurs fois de nouer le lacet de sa tennis droite, finit par enfoncer les extrémité du cordon de part et d’autre à l’intérieur de la chaussure, se releva, alla jusqu’au bout de l’allée, hésita un instant, puis traversa la route et disparut derrière la haie.
L’horloge murale du salon dans la maison qu’il venait de quitter affichait 15h15. Sur la table basse, une fourmi escaladait la paroi du compotier où finissait de pourrir une minuscule pomme reinette. La baby-sitter dormait sur le canapé, le pouce gauche dans la bouche, les quatre autres doigts repliés sur l’arête du nez, la main droite posée sur son ventre nu où brillait un piercing bleu.

lundi 10 septembre 2012

Midi


mardi 28 août 2012

le rythme de la rivière


Devant nous, la rivière dorée coulait paisiblement, comme à son habitude. Jamais cette rivière n’avait osé se déchaîner, même lorsque la mémorable tempête du mois de juin 3013 avait détruit la ville. Pas une ride n’avait alors effleuré sa surface. Sur ses berges les arbres s’effondraient, déracinés, tendant vers le ciel leurs suppliques exaltées. Les cailloux et les rochers s’entrechoquaient dans un fracas de fin du monde, les blés se couchaient sous le poids des nuages affolés qui déversaient des gouttes d’eau aussi rondes et lourdes que des ballons remplis de sable. Mais le rythme de la rivière était resté le même.
Saskia s’est levée, a franchi les quelques mètres qui la séparaient de l’eau et y est entrée. Sa chevelure s’est étalée autour d’elle comme une méduse. Et j’ai entendu dans ma tête le nom que sa mère lui avait donné.  

vendredi 24 août 2012

Au bord de l'eau


mercredi 27 juin 2012

l'enfant endormi


Ouvrant de grands yeux, le pouce toujours dans la bouche, la fille à qui elles avaient confié leur petit garçon ne paraissait pas beaucoup plus âgée que lui, et Lou éprouva un peu de remords, aussitôt remplacé par une soudaine inquiétude. Que faisait Joël, justement ? Elle se précipita dans l’escalier menant à sa chambre et ouvrit la porte sur laquelle étaient suspendues en arc de cercle les quatre lettres de son prénom.  Il dormait, en position fœtale comme à son habitude, les deux poings serrés sous son menton, les lèvres tétant dans le vide. Eprouvant un soulagement irrationnel – qu’aurait-il pu donc faire, à cette heure de l’après-midi, sinon la sieste ?! – Lou se pencha sur l’enfant endormi et embrassa son front, qui lui parut chaud. Elle y posa la main. En effet, il avait certainement un peu de fièvre, pas étonnant avec la chaleur qui n’avait cessé d’augmenter depuis le lever du jour.

jeudi 21 juin 2012

cet espace infime


Je me suis assis juste à côté de sa main posée à plat sur l’herbe, doigts écartés. Elle avait des ongles très courts, qui laissaient voir l’arrondi du bout de ses doigts, leur chair dense et luisante. J’ai posé ma main contre cette étoile de mer, jusqu’à la toucher, mais pas tout à fait. Combien de centièmes de millimètres séparaient ma main de la sienne, me suis-je demandé. Un brin d’herbe très fin, dont l’extrémité avait dû être mangée par un insecte, émergeait de cet espace infime. Si je coupe ce brin d’herbe et le rapporte chez moi pour le mesurer, je saurai précisément la distance qui me sépare d’elle, ai-je pensé. Et j’ai ouvert la bouche pour lui dire cela. Mais aucun mot n’est sorti de ma bouche, car l’étoile de mer avait bougé sans que je m’en aperçoive et était venue se plaquer sur mes lèvres. Je sentais le creux palpitant de son centre, un cœur débordant de vie, sa fraîcheur, et les cinq branches de l’étoile ont glissé sur ma joue, emportant avec elles ces centièmes de millimètres qui m’avaient séparé d’elle.

samedi 28 avril 2012

A l'horizon


jeudi 12 avril 2012

Sang bleu





Extrait de ARBRES
(vient de paraître)

vendredi 23 mars 2012

Mardi un lieu-dit








Extrait de Autour de Bredannaz Mardi 13 septembre 2011

mercredi 21 mars 2012

Vendredi un lieu-dit









Extrait de Autour de Bredannaz Vendredi 2 mars 2012