© Ce blog présente les ouvrages de
Camille Rouschmeyer
parmi ses écrits et ses photographies au jour le jour.





lundi 13 décembre 2010

samedi 11 décembre 2010

Il était une fois

Mes chéris, vous rappelez-vous l’histoire du soir, quand vous étiez petits ? Eh bien, comme la nuit s'approche, voici une histoire, mais pas de celles que l’on raconte aux enfants pour qu’ils s’endorment et fassent de beaux rêves. Vous allez  en reconnaître des bribes, de petits morceaux qui m’ont parfois échappé en votre présence. Alors ouvrez grandes vos oreilles et votre mémoire, et écoutez donc l’histoire de votre arrière-grand-mère Amandine Maverone.
Il était une fois, pas au siècle dernier mais au précédent, pas en France mais en Algérie, une petite fille à qui ses parents, Monsieur et Madame Lucien Maverone, avaient donné le doux prénom d’Amandine. L’histoire ne dit pas comment se prénommait Madame Maverone, car à cette époque, lorsqu’un homme et une femme se mariaient, celle-ci abandonnait non seulement son nom, mais aussi son prénom, pour prendre ceux de son époux, et comme ça se passait il y a longtemps personne n’a jamais retrouvé le prénom de la mère d’Amandine ; il a dû s’égarer dans les innombrables registres d’état civil, au fond d’un tiroir poussiéreux, quelque part en France ou en Algérie, et comme ses parents se disaient entre eux «papa» et «maman», Amandine elle-même n’a jamais su le prénom que ses grands-parents maternels, qui étaient morts bien avant sa naissance, avaient donné à sa mère. Cela ne la gênait pas : en ce temps-là, jamais les enfants n’appelaient leur père ou leur mère par son prénom.
Amandine savait qu’elle était pied-noir, on le lui avait dit. Elle s’était alors assise sur le mur qui entourait le jardin et avait pris l’un de ses pieds entre ses mains pour en examiner le dessous. Il était noir de crasse – Amandine aimait marcher pieds nus – mais elle s’était presque attendu à voir la peau de sa plante de pied noire comme de l’encre de Chine, pas simplement sale ; elle s’était sentie un peu déçue, car elle était une petite fille très imaginative et elle avait espéré découvrir le dessous de ses pieds complètement, parfaitement et définitivement noir. Puisque ce n’était pas le cas, elle se contenterait donc de ce nom, pied-noir, qui la faisait rêver et qu’elle prononçait parfois pour le plaisir de l’entendre : pied-noir, pied-noir, se répétait-elle à mi-voix pour elle seule en savourant la sonorité de ces deux syllabes, leur résonance, leur douceur, la profondeur du son «oir» qui évoquait le soir, juste avant la nuit, quand les arbres se dessinaient encore sur le fond du ciel ; elle pensait aussi à l’armoire où sa mère rangeait les linges blancs en glissant entre chaque pile des brins de lavande. Pied-noir était décidément un très joli mot et tant pis si c’était un mensonge !

mardi 7 décembre 2010

Comme en hiver







Extrait de Neige (vient de paraître)

lundi 29 novembre 2010

l'arc de tes yeux




Extrait de les âmes vertes

mercredi 24 novembre 2010

Lointaine

Rouge passion
pour elle aussi
et les avions
Paris Berlin
San Francisco
elle tourne le dos
mais gentiment
boude le téléphone
sans en avoir l’air
ce n’est pas grave
il y a les mails
coucou ma grande
comment vas-tu ?
très bien maman
je travaille j’écris
je suis heureuse
et toi et petit frère ?
puis elle s’en retourne
comme elle est venue
tendre et distante
dans sa robe lisse
qui la fait ressembler
à une rose rouge




Extrait de Le chat dans l'arbre

samedi 6 novembre 2010

Douleur

"– Un jour mon père est tombé malade. Il avait quatre-vingt-trois ans. Il est mort quelques mois plus tard. Entre-temps jamais je n'ai voulu admettre qu'il était mortellement malade. J'étais persuadée, comme mon frère, qu'il pourrait vivre encore plusieurs années en prenant des médicaments et en se faisant transfuser régulièrement. Il avait un cancer de la moelle osseuse. Le jour où mon père a été hospitalisé pour la première fois, ma mère n’a pas supporté que je l'oublie pour m'intéresser à lui. Elle a affirmé qu'il n'était pas si malade que ça. J'étais révoltée, j'ai eu des mots durs pour elle. Du coup, dès que j'ai eu le dos tourné, elle n'a rien trouvé de mieux à faire que de se fracturer une épaule. J’étais allée voir mon père à l'hôpital où il avait été hospitalisé d'urgence. Nathan et Alban étaient restés avec ma mère à l'appartement. Je bavardais avec mon père, lorsque le téléphone a sonné. C'était Nathan. Ma mère venait de tomber en allant à la cuisine chercher une pomme. Le SAMU était là, elle n'avait pas perdu connaissance, mais elle s'était cassé quelque chose. J'ai expliqué à mon père ce qui s'était passé et je l'ai laissé. Pendant plusieurs semaines, ma mère était soignée dans un hôpital et mon père dans un autre. Ma mère lui téléphonait. Un jour elle lui a annoncé qu'elle allait être opérée et qu'elle risquait de mourir parce qu'elle était allergique à l'anesthésie. Je lui avais demandé de ne pas dire à mon père qu'elle serait peut-être opérée. Elle l'a quand même fait, j'étais avec mon père quand elle lui a téléphoné et comme elle parlait fort j'entendais ce qu'elle était en train de lui dire. Quand mon père a raccroché, il était bouleversé. Ma mère, elle, n'avait pas l'air de s'inquiéter pour lui. Finalement elle n'a pas eu besoin d'être opérée, elle s'est rétablie assez vite et mon père et elle ont pu aller dans le même hôpital pour leur convalescence, à Mortain. Pour mon père, il ne s'agissait pas de convalescence puisqu'il avait un myélome multiple et ne guérirait pas comme ma mère guérirait de sa fracture. Toujours est-il que mon frère et moi avons fait en sorte qu'ils se retrouvent tous les deux dans le même hôpital et dans la même chambre, pour qu’ils soient ensemble. Nous n’étions pas tout à fait sûrs d’avoir eu là une bonne idée, parce que mère avait du mal à supporter mon père malade. Mais mon père voulait absolument être avec ma mère, et mon frère et moi lui donnions l'avantage dans ce jeu de dés pipés. La première  fois que je suis allée voir mes parents à  Mortain – j’habite à plus de 800 km et ça faisait quinze jours que je ne les avais pas vus – j’ai trouvé mon père assis dans le fauteuil à côté de son lit. J’ai eu un choc. Il était d’une maigreur terrifiante. Il ne portait qu’une veste de pyjama et une couche, ses cuisses étaient décharnées. Le pire c'était son regard. Quand il m’a vue, il m’a fait un sourire. J’ai vu que ça lui coûtait, qu’il n’avait pas envie de sourire mais qu’il m’offrait ce sourire parce qu’il était content de me voir même si la vie ne lui semblait plus digne d’être vécue. Je l’ai embrassé. Une infirmière est entrée, c’était l’heure de la toilette. Avant de sortir, je suis allée embrasser ma mère. Elle était couchée dans l’autre lit, juste en face du sien. Elle portait encore une attelle, mais avait l’air plus reposée que la dernière fois où je l’avais vue. La chambre était grande et lumineuse, les infirmières étaient d'une gentillesse infinie, aussi bien avec les malades qu'avec leurs familles. Elles les traitaient avec respect et bonté. ça n'avait pas toujours été le cas du premier hôpital, celui où mon père avait été soigné la première fois, celui où il devrait retourner bientôt, mais à ce moment je ne le savais pas encore. Le séjour de mes parents au service Convalescence de l'hôpital de Mortain a duré presque trois mois et leur a été bénéfique. Mon père a repris du poids, a même pu sortir de la chambre et se promener avec moi dans le couloir où il y avait des choses à regarder, des vitrines avec de jolis objets, un petit salon avec de belles plantes vertes, un grand aquarium éclairé. Il n'avait plus besoin de couches, sauf la nuit. Les infirmières l'aidaient à s'habiller tous les matins. Elles le faisaient beau. Elles le coiffaient, le rasaient. Il les aimait bien et elles prenaient le temps de parler avec lui. Ma mère allait mieux elle aussi. Elle m'a raconté qu'elle avait eu de grosses frayeurs au début de leur séjour parce que mon père essayait d'escalader les barrières de protection pour sortir du lit. Elle ne pouvait pas elle-même quitter son lit, elle se sentait trop faible, elle sonnait l'infirmière. Ma mère me disait qu'elle était contente que mon père ait grossi un peu parce qu'au début il lui rappelait les prisonniers des camps de concentration tellement il était décharné. Je n'aimais pas qu'elle me dise ça. Je l'avais bien vu, ce n'était pas nécessaire de me le dire. Je prenais sur moi pour être gentille avec elle. J'avais bien trop peur qu'elle se fasse mal à nouveau. Mon frère et moi, ainsi que mon mari, étions convaincus qu'elle avait plus ou moins consciemment fait en sorte de tomber, à l'appartement, quand j'étais allée voir mon père à l'hôpital. Nathan avait pourtant été vigilant, mais le temps qu'il aille se raser et se brosser les dents, ma mère avait trouvé le moyen de quitter son canapé pour aller se chercher une pomme dans la cuisine, alors qu'il lui avait bien dit de lui demander si elle avait besoin de quelque chose. Après, ma mère a expliqué qu'elle n'avait pas voulu le déranger. Je lui ai rétorqué qu'elle nous dérangeait bien plus avec son épaule cassée. Mais mon frère et moi nous sommes rendu compte très vite qu'il valait mieux ne rien dire à ma mère. Elle m'agaçait prodigieusement, mais je voyais que mon père allait mieux et c'était cela qui m'importait. Ils ont pu regagner leur appartement, même si j'aurais préféré qu'ils restent à Mortain parce que mon frère et sa famille partaient en vacances, que je ne pouvais pas rester auprès de mes parents et que j'avais peur qu'il arrive quelque chose à mon père quand ils seraient de nouveau dans leur appartement. Mais mon frère m'a dit qu'il tenait absolument à rentrer chez lui, qu'il voulait retrouver ses poissons. L'aquarium de l'hôpital ne contenait que des poissons et des plantes en plastique, même s'il faisait de l'effet. Mes parents avaient un vrai aquarium, avec de vrais poissons, des guppys, et de vraies plantes. Mon père adorait s'occuper de son aquarium. Il disait que quand les poissons le voyaient s'approcher avec la boîte de daphnies, ils se précipitaient à la surface. A l'hôpital il s'inquiétait pour ses poissons. Mon frère passait tous les jours les nourrir, mais mon père avait hâte de les retrouver, et de retrouver aussi son lit, son fauteuil, sa télévision. Il en avait marre de l'hôpital. Mon frère avait raison, il valait mieux que mon père rentre à l'appartement. Au début, ça allait à peu près bien. Je téléphonais tous les jours à mes parents. Puis j'ai senti que ça se dégradait. Ma mère avait l'air angoissée et je réussissais de moins en moins à avoir mon père au téléphone. Je n'ai plus pu tenir, nous sommes partis les voir. Mon père allait mal, ça crevait les yeux. Il avait une flopée de médicaments à prendre, certains étaient énormes et insécables, il mettait un temps fou à les avaler, j'avais peur qu'il s'étrangle avec. Les médicaments étaient rangés dans une boîte. Il devait en prendre trois fois par jour. Des tas de médicaments. Il portait une couche parce qu'il n'arrivait pas toujours assez vite aux WC. Nous avions fait installer une rampe tout le long du couloir pour que mes parents puissent se tenir. Mais mon père ne s'en servait pas. De toute façon, quand il était dans son fauteuil dans le salon, la rampe ne lui était d'aucune utilité puisqu'elle n'était pas sur le trajet. Il marchait tant bien que mal jusqu'aux WC, je le surveillais, il ne voulait pas que je l'aide. Je me tenais prête à bondir pour le rattraper au cas où je l'aurais vu sur le point de tomber. Il était très faible et je lui recommandais de ne pas fermer la porte des toilettes derrière lui. Il ne m'écoutait pas toujours. J'avais peur qu'il tombe derrière la porte et que je ne puisse pas le secourir. Mon frère était encore en vacances. Il téléphonait tous les jours. Mon père me demandait tous les jours « Quand est-ce qu'il rentre, Gilles ? » Plus tard j'ai compris qu'il demandait ça parce qu'il attendait le retour de mon frère pour se laisser aller, pour mourir. Il savait qu'il allait bientôt mourir et il avait peur que son fils ne soit pas là. Il ne se souvenait même plus où il était. Je lui répétais qu'il était en vacances en Italie, qu'il rentrerait bientôt. J'ai été obligée de faire hospitaliser mon père. Il ne voulait pas, mais ma mère ne dormait plus, elle avait peur qu'il meure à l'appartement. Je ne savais plus quoi faire. Il y avait la femme de ménage qui venait une fois par jour. Il y avait la dame qui apportait leurs plateaux repas le midi et le soir. Et il y avait l'infirmière qui venait leur faire leur toilette le matin et le soir. Mais tout le reste de la journée, mon père et ma mère n'avaient que moi, et la nuit ils étaient seuls. Un après-midi, mon père est allé aux WC, puis il est parti se coucher au lieu de regagner son fauteuil dans le salon. Je suis allée le voir. En entrant dans la chambre, j'ai compris qu'il s'était sali. Je l'ai changé. C'était triste, parce qu'il était certainement conscient que sa fille était en train de le torcher comme un bébé. Peut-être se sentait-il humilié. Mais je ne pouvais pas le laisser comme ça. J'ai donc fait sa toilette, je lui ai dit qu'il se sentirait mieux ensuite. J'ai fait sa toilette avec une infinie tendresse, je lui ai mis une couche propre, je l'ai bordé, j'ai aéré la chambre. Il faisait beau dehors. Je me suis assise à son chevet. Il m'a demandé « Il rentre quand, Gilles ? » J'ai répondu « Bientôt. » Il s'est endormi. J'ai refermé la fenêtre et je suis sortie de la chambre. Ma mère était dans le salon. Elle faisait du crochet. Elle m'a dit qu'il fallait que mon père retourne à l'hôpital. Le lendemain, quand je suis arrivée à l'appartement, j'ai croisé l'infirmière sur le palier. Elle m'a dit « J'allais vous téléphoner, votre mère a appelé le médecin, il est encore là. » J'ai dit à l'infirmière « Mon père ne veut pas aller à l'hôpital, mais ma mère ne le supporte plus. » L'infirmière m'a dit « Vous devez d'abord penser à votre père et respecter son choix. » Je suis entrée dans l'appartement. Le médecin m'a tout de suite prise à part. Il m'a dit qu'il fallait que mon père soit hospitalisé d'urgence. Ses dernières prises de sang étaient alarmantes, il ne pouvait plus rester à l'appartement. J'ai dit « D'accord. » Je suis allée parler à mon père. Il n'a pas protesté. Il a même eu l'air soulagé. Je lui ai dit de ne pas s'inquiéter pour ma mère, ni pour Gilles, qu'il était déjà en route. Je lui ai dit de ne pas s'inquiéter pour ses poissons. Je lui ai dit de se laisser soigner, que je l'aimais, que nous l'aimions tous et qu'il fallait qu'il prenne bien ses médicaments, que bientôt il irait mieux et que s'il voulait revenir à l'appartement, il fallait qu'il fasse un effort et qu'il prenne ses médicaments. Cela faisait plusieurs jours que je le menaçais de l'hôpital. Je n'avais rien trouvé d'autre pour lui faire prendre ses médicaments. C'était la seule phrase efficace, mais au bout du compte c’était un mensonge, puisqu'il a eu beau prendre ses médicaments, il s'est quand même retrouvé à l'hôpital."
 
 
Extrait de épidermie

vendredi 5 novembre 2010

Un regret

"Comme j'aurais aimé que ma mère me serre très fort dans ses bras ! Les baisers légers que je posais sur ses joues pour lui dire bonjour ou au revoir ressemblaient à ceux que je donnais aux amis. Elle ignorait que dans ces baisers de plume je mettais tout le regret d'étreintes plus fortes, d'un amour plus chaleureux. Je goûtais la douceur de sa jolie peau rose et un peu fanée et je la trouvais belle.
Pourquoi ne m'avait-elle pas prise dans ses bras quand j'avais l'âge de m'en faire un souvenir ?
J'avais une maman visage, une maman un peu voûtée, un peu tassée, fatiguée, une vieille maman finement ridée. J'étais sûre qu'elle riait beaucoup quand elle était jeune et j'aurais aimé, petite fille, me blottir contre elle pendant qu’elle épluchait des légumes ou corrigeait des cahiers, et dans la cuisine son rire aurait tinté plus fort et plus joliment que tous les autres bruits familiers."




Extrait de Pour les enfants

jeudi 28 octobre 2010

un village


Extrait de LIGNES VIVES
.....ou balade sur la piste cyclable entre Duingt et Doussard
.......(à paraître)

lundi 25 octobre 2010

haute couture


Extrait de LIGNES VIVES
.....ou balade sur la piste cyclable entre Doussard et Duingt
.......(à paraître)
................(

jeudi 23 septembre 2010

Des blogs et des personnes


Pour Norma, Quwill, Roger, Valérie L, Dominique L, Marjanne, Colibri, Croukougnouche,  Nefertiti, Enitram, Claire, Viviane, Mingingi des prairies,  Cildemer, Maryh K., Marie Claire, 'Tsuki, Didier, Au gré des jours, Frankie Pain, Kim et Lulu Sorcière, dont les commentaires me vont droit au coeur. Merci !

samedi 18 septembre 2010

un souffle magique

"J'avais changé de monde ; le livre m'avait ouvert les portes de l'appartement, poussée dehors sans effort, en douceur, une évasion non préméditée et réussie à chaque fois. Dès que j'ouvrais un livre, qu'il s'agisse d'un roman que j'avais choisi ou d'un texte qu'un professeur avait demandé d'étudier, les mots écrits m'enchantaient. Ils racontaient une histoire ou se suffisaient à eux-mêmes, se transformant par leur propre chair en un souffle magique qui m'enveloppait et me transportait loin de la peur."

mardi 31 août 2010

En forêt


Elles parlent, mon amour, les âmes vertes...
sur ce muret de pierres, au faîte de cet arbre,
partout où nos yeux déposeront les armes.


les âmes vertes
(vient de paraître)

lundi 23 août 2010

Sous leur regard

"Le médecin a posé Johanna sur ma poitrine. Elle était toute marbrée, elle avait des cheveux blond roux et des yeux pers, elle était irrésistible. Comme ensuite Florian avec son petit visage chiffonné et ses yeux très bleus, Tessa, ronde de partout et aux yeux noirs, et Alban enfin, l’air sérieux et les yeux sombres. Dès la première seconde où je les ai contemplés, je les ai trouvés irrésistibles. Mais ensuite je n'ai pas cessé de leur résister."


Extrait de épidermie

mardi 17 août 2010

Dans la chaleur de l'été

"Le soleil était au-dessus des toits, invisible. Je me tenais debout dans l'encadrement et je sentais dans mon dos la fraîcheur du couloir obscur. Devant moi, les petits jardins étagés se desséchaient dans l'air saturé de chaleur. Ma mère était étendue sur une chaise longue rayée de rouge et de blanc, à l'abri d'un parasol à la teinte passée. Elle lisait un livre. Quand j'avais débouché devant elle, je l'avais vue brièvement lever la tête et me sourire. Et quand j'avais rouvert les yeux, elle me regardait encore en souriant. J'avais descendu l'unique marche et étais allée m'asseoir à ses pieds. J'entendais les criquets ; les papillons – ils étaient innombrables en ce temps-là, dans ces jardins brûlés de soleil – voletaient d'une fleur à l'autre, leurs ailes étaient comme des pétales tourbillonnants. J'avais réussi, une seule fois, à effleurer l'un d’eux, immobile au coeur d'une marguerite, il avait laissé sur mon doigt une poudre irisée."

Extrait de Pour les enfants

lundi 16 août 2010

Chanson de gestes

"Ma mère était passionnée par son métier ; il n'est pas exagéré de parler de vocation. Elle se couchait toujours très tard pour corriger les devoirs de ses élèves et préparer les leçons du lendemain. Elle s'installait dans la cuisine avec ses cahiers, ses livres et ses stylos. Le lave-vaisselle bruissait. Les bengalis dormaient, la tête sous l'aile. Sur la table, un peu à l'écart, une tisane infusait sous une soucoupe.
Cachée dans le vestibule, je voyais ma mère penchée sur un cahier. Elle barrait un mot, refermait le cahier. Elle rapprochait la tasse, soulevait la soucoupe, retirait le sachet de verveine, le posait sur la soucoupe blanche. Elle prenait la tasse et la portait à hauteur de son visage. Prudemment elle avançait les lèvres en cul de poule sur le bord de la tasse et aspirait un peu de liquide en faisant un léger bruit, un peu sifflant, comme le vent d'une tempête enregistrée sur un magnétophone dont on aurait baissé le son. Elle reposait la tasse à côté de la soucoupe où le sachet trempé gisait au centre d'une petite flaque brune. Elle se penchait à nouveau sur le cahier, de temps en temps barrait un mot ou écrivait avec son stylo rouge. Elle refermait le cahier, en prenait un autre. A la fin il n'y avait plus sur la table qu'une seule pile de cahiers bleus."


Extrait de Pour les enfants

vendredi 6 août 2010

Johanna est comme ça

"Quand elle est passée à la télé la première fois, elle ne connaissait même pas le présentateur. Elle lui a dit bonjour sans savoir qui il était. Il a eu l'air un peu surpris et elle s'est excusée en lui disant qu'elle ne regardait jamais la télé puisqu'elle n'en avait pas. Je trouvais l'histoire drôle et touchante. Johanna est comme ça : drôle et touchante. Mais elle n'est pas que ça."


Extrait de épidermie

jeudi 5 août 2010

Trois lectrices


L'une est un peu magicienne
et fut la première
à débourser quelques sous
pour le premier de mes romans
la seconde est bienveillante
et c'est aussi Pour les enfants
sur lequel porta son choix
La troisième est mon amie
et commanda épidermie
A toutes les trois je dis merci !

mardi 3 août 2010

Anamorphose



Décor en sucre, dis-tu ?
Et si j'étais...

petit oeil voyeur
d'un perroquet blanc
clitoris de rose
ou portrait d'une dame !




Extrait de ANTHROPOMORPHISMES volume I

A la fenêtre


pour voir les beaux jours arriver
ils viendront c'est certain
à très petits pas sans avoir l'air
d'y toucher malgré les doutes
malgré les peurs n'aie crainte
les beaux jours arriveront
à très petits pas pour te laisser
le temps d'apprendre
comment tourne le monde
avec les envies
les petites jalousies
sois-en sûre ils viendront
les beaux jours colorés
de bleu de vert de rouge
et du blanc et noir des mots
et des espaces sur un ordinateur


Extrait de Le chat dans l'arbre

samedi 10 juillet 2010

Marie L. déploie ses ailes



... comme les feuilles d'un livre !


En vente sur le site  www.unefemmequiecrit.com

vendredi 11 juin 2010

amoureuse

"Elle souriait au photographe, mais aussi au monde qui l’éblouissait et à ceux qui la regarderaient, bien qu’elle n’y pensât point à ce moment-là ; elle était amoureuse et cela lui faisait aimer tous les autres, les passants, les enfants, les vieux, tous les gens, et ceux qui un jour verraient la photographie."


Extrait de Pour les enfants

lundi 31 mai 2010

Point de vue

"Plus tard Johanna est venue à la maison. Je lui ai dit que je savais pour elle, que sa soeur me l'avait dit, que je ne l'avais pas compris avant. Elle m'a rétorqué "On ne voit que ce qu'on veut bien voir." Sur le moment je me suis sentie attaquée et je me suis défendue. J'étais de bonne foi, je n'avais vraiment rien vu et je n'avais pas l'impression de n'avoir pas voulu voir ce qu'il y avait à voir."


Extrait de épidermie

jeudi 20 mai 2010

Le petit Coline

"Le petit Coline était blond comme les blés, il avait des joues rondes et souriait tout le temps, même dans son sommeil. Le soir, avant de le coucher, il fallait attacher à ses jambes, dont les genoux étaient gros et osseux, des attelles qui allaient de la cheville jusqu'à l'aine. Il riait aux éclats quand je les lui mettais, ça le chatouillait et je riais avec lui. Je le bordais bien serré dans le grand lit de mes parents, qui lui avaient prêté leur chambre, et je m'allongeais à côté de lui et caressais ses cheveux en lui racontant une histoire. Il ne parlait pas. Il acquiesçait de la tête et souriait des yeux et de la bouche à ceux qui s'occupaient de lui.
Le dimanche il y eut la fête foraine. J'emmitouflai le petit Coline, nouai sous son menton les cordons de son bonnet, serrai les lacets de ses chaussures orthopédiques, et je l'emmenai à la fête. Je montai avec lui sur un grand cheval de bois qui glissait le long de sa tige, galopant au ralenti. Les joues du petit Coline étaient presque aussi rouges que le pompon de son bonnet ; comme il était enrhumé, deux chandelles de morve coulaient de ses narines et des larmes de froid s'échappaient de ses yeux brillants. Ses doigts étaient glacés parce qu'il avait voulu enlever ses moufles pour prendre les rênes. Je serrai contre moi le petit Coline en me jurant que si un jour j'avais un enfant comme lui, je l'aimerais aussi fort. Il était l'innocence personnifiée et lorsque des camarades de classe me questionnèrent au sujet de cet enfant à l'air étrange, je regrettai de ne pas pouvoir leur répondre que c'était mon petit frère."



Extrait de Pour les enfants

mercredi 19 mai 2010

fragile et forte


A paraître...

Liberté totale

« Tout ce que je vous raconte à propos du livre de ma fille, je l’avais déjà compris à la lecture du manuscrit, avant de lire le vrai livre. Mais je n’y avais pas attaché d’importance. J’avais rejeté tous les sentiments négatifs dès qu’ils avaient pointé le bout de leur vilain nez. J’avais estimé que Johanna avait le droit d’écrire ce qu’elle voulait, que rien de ce qu’elle racontait ne devait être censuré, qu’en termes de littérature la maladie et la mort de mon père ne m’appartenaient pas, que la vie de ma fille cadette ne m’appartenait pas, ni celle de ma mère, et que ma vie non plus ne m’appartenait pas, que Johanna pouvait faire feu de tout bois. »

Extrait de épidermie

vendredi 14 mai 2010

de toutes ses forces

« J’avais été ensorcelée par un endroit magique, le court de tennis, rectangle de dalles disjointes entre lesquelles poussaient l’herbe et la mousse, à l’ombre mouvante des arbres immenses qui le cernaient de toutes parts. Annelise crispait ses doigts sur la raquette, ses jointures blanchissaient et les veines saillaient à l’intérieur de son bras. Elle frappait la balle de toutes ses forces, elle y mettait une sorte de hargne. Nous devînmes amies. »


Extrait de Pour les enfants


lundi 10 mai 2010

Intuition


.........Femme de sel
............statue de pierre
................nymphe assassine
......./...//////..je suis elles mais de chair aussi
......................ma peau est douce sous tes caresses
....................................et si mes yeux ne te voient pas

..............................................tout près de moi je te devine


Extrait de ANTHROPOMORPHISMES volume I

vendredi 7 mai 2010

Mères

"J'ai des rides, des cheveux blancs, je suis souvent fatiguée, même sans raison particulière, et pourtant je sens en moi la femme jeune et insouciante qui bataille, qui a envie de solitude, de voyages, de grands espaces et d'intimité avec son amoureux, et qui n’a pas besoin ou n’est pas obligée de penser sans cesse aux enfants. Mais la mère parfaite n'a pas dit son dernier mot. Parce qu'au moment même où je vous ai dit tout ça, elle a sursauté, et la femme jeune et insouciante s'est aussitôt sentie moins jeune et moins insouciante. Elles cohabitent en moi, la mère parfaite et la mauvaise mère. Elles se livrent une guerre futile et stupide, puisque jamais l'une ne gagne sur l'autre."



Extrait de épidermie

jeudi 6 mai 2010

Escalade

"Relevant la tête, je continuai mon ascension jusqu'à ce que je me retrouve sur le balcon du deuxième étage aux côtés d'Olivier et de Jo. Ils m'assaillirent aussitôt de reproches : qui allait surveiller la rue maintenant ? Quentin et moi pouvions alterner, répliquai-je timidement, mais à ma vive surprise ils acquiescèrent comme s’il n’avait jamais tenu qu’à moi d’être leur égale, et nous poursuivîmes le jeu sans autre discussion : Jo grimpait en premier, suivi d’Olivier, puis Quentin me faisait la courte échelle et lorsque j'avais atteint le balcon supérieur je reprenais le guet pendant qu'il escaladait à son tour."


Extrait de Pour les enfants

vendredi 30 avril 2010

un seul corps composé de milliards d'individus

"Quand on découvre la vérité, on s'écrie "C'était pourtant évident !" et l'on s'étonne de ne pas avoir compris plus tôt. Mais c'est un jeu de piste, il faudrait faire plus que lire derrière les lignes, il faudrait savoir lire dans les cerveaux, dans les âmes, dans les coeurs, dans la chair. On est seul dans sa peau. Pour l'instant. Cet après-midi j'ai vu à la télé un reportage sur le futur. Un savant expliquait que d'ici 2035 les gens se feront implanter des millions de nanorobots dans le cerveau, qui se connecteront à leurs neurones et pourront aussi se connecter aux nanorobots et donc aux neurones des autres gens qui se seront fait implanter eux aussi des nanorobots. Ce sera comme un seul corps composé de milliards d'individus. Si ce savant a raison, d'ici 2035 nous serons devenus une fourmilière."

Extrait de épidermie

mercredi 21 avril 2010

L'amie d'enfance



"Les poings serrés, joints sur le col de son manteau, Maud fit semblant de frissonner.
– Jamais je ne m'habituerai à ce froid !
Encore tout entière dans les souvenirs qu'elles avaient partagés, Léonore se leva pour la raccompagner, oubliant la douleur qui avait envahi son pied droit aux premières heures du jour. A l'instant où elle appuya son poids dessus, il céda et elle perdit l'équilibre. Maud avait déjà tendu la main pour la retenir. Léonore saisit cette main fine et longue, et presque blanche.
Avant, en Algérie, les mains de Maud étaient dorées, ses bras nus et bronzés. Ici il faisait froid, Maud avait raison, mais ce serait bientôt le printemps, elle retrouverait ses couleurs et ce vert amande lui irait à merveille.
– Reviens vite, je te montrerai la robe, elle est presque terminée. Je crois que tu vas l'aimer."


Extrait de Pour les enfants


vendredi 16 avril 2010

Promeneuse ou vampire ?
























la première phrase


"– D'abord j'ai bien réagi. Il faut dire qu'elle m'avait prévenue. Je me rappelle ses mots : "J'ai fait lire mon manuscrit à Julie. Elle a été horrifiée, elle pense que ça va te traumatiser." Julie est sa meilleure amie depuis le collège. Je me suis demandé pourquoi Julie pensait cela, mais j'ai ri et j'ai répondu "Ne t'inquiète pas, les traumatismes font partie de la vie." Elle a ajouté "C'est une autofiction, tout n'est pas vrai, tu dois le lire comme une fiction." J'ai dit "Envoie-le moi, je verrai bien." Puis nous avons parlé d'autre chose. Quelques jours plus tard j'ai reçu son manuscrit par e-mail. C'était un document Word. Je l'ai ouvert et j'ai lu la première phrase : En plus d'être folle ma mère est alcoolique, suicidaire et nymphomane."


Extrait de épidermie

jeudi 15 avril 2010

Cet infime sentiment de culpabilité




















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La couleur verte



















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