© Ce blog présente les ouvrages de
Camille Rouschmeyer
parmi ses écrits et ses photographies au jour le jour.





lundi 13 décembre 2010

samedi 11 décembre 2010

Il était une fois

Mes chéris, vous rappelez-vous l’histoire du soir, quand vous étiez petits ? Eh bien, comme la nuit s'approche, voici une histoire, mais pas de celles que l’on raconte aux enfants pour qu’ils s’endorment et fassent de beaux rêves. Vous allez  en reconnaître des bribes, de petits morceaux qui m’ont parfois échappé en votre présence. Alors ouvrez grandes vos oreilles et votre mémoire, et écoutez donc l’histoire de votre arrière-grand-mère Amandine Maverone.
Il était une fois, pas au siècle dernier mais au précédent, pas en France mais en Algérie, une petite fille à qui ses parents, Monsieur et Madame Lucien Maverone, avaient donné le doux prénom d’Amandine. L’histoire ne dit pas comment se prénommait Madame Maverone, car à cette époque, lorsqu’un homme et une femme se mariaient, celle-ci abandonnait non seulement son nom, mais aussi son prénom, pour prendre ceux de son époux, et comme ça se passait il y a longtemps personne n’a jamais retrouvé le prénom de la mère d’Amandine ; il a dû s’égarer dans les innombrables registres d’état civil, au fond d’un tiroir poussiéreux, quelque part en France ou en Algérie, et comme ses parents se disaient entre eux «papa» et «maman», Amandine elle-même n’a jamais su le prénom que ses grands-parents maternels, qui étaient morts bien avant sa naissance, avaient donné à sa mère. Cela ne la gênait pas : en ce temps-là, jamais les enfants n’appelaient leur père ou leur mère par son prénom.
Amandine savait qu’elle était pied-noir, on le lui avait dit. Elle s’était alors assise sur le mur qui entourait le jardin et avait pris l’un de ses pieds entre ses mains pour en examiner le dessous. Il était noir de crasse – Amandine aimait marcher pieds nus – mais elle s’était presque attendu à voir la peau de sa plante de pied noire comme de l’encre de Chine, pas simplement sale ; elle s’était sentie un peu déçue, car elle était une petite fille très imaginative et elle avait espéré découvrir le dessous de ses pieds complètement, parfaitement et définitivement noir. Puisque ce n’était pas le cas, elle se contenterait donc de ce nom, pied-noir, qui la faisait rêver et qu’elle prononçait parfois pour le plaisir de l’entendre : pied-noir, pied-noir, se répétait-elle à mi-voix pour elle seule en savourant la sonorité de ces deux syllabes, leur résonance, leur douceur, la profondeur du son «oir» qui évoquait le soir, juste avant la nuit, quand les arbres se dessinaient encore sur le fond du ciel ; elle pensait aussi à l’armoire où sa mère rangeait les linges blancs en glissant entre chaque pile des brins de lavande. Pied-noir était décidément un très joli mot et tant pis si c’était un mensonge !

mardi 7 décembre 2010

Comme en hiver







Extrait de Neige (vient de paraître)