© Ce blog présente les ouvrages de
Camille Rouschmeyer
parmi ses écrits et ses photographies au jour le jour.





lundi 31 mai 2010

Point de vue

"Plus tard Johanna est venue à la maison. Je lui ai dit que je savais pour elle, que sa soeur me l'avait dit, que je ne l'avais pas compris avant. Elle m'a rétorqué "On ne voit que ce qu'on veut bien voir." Sur le moment je me suis sentie attaquée et je me suis défendue. J'étais de bonne foi, je n'avais vraiment rien vu et je n'avais pas l'impression de n'avoir pas voulu voir ce qu'il y avait à voir."


Extrait de épidermie

jeudi 20 mai 2010

Le petit Coline

"Le petit Coline était blond comme les blés, il avait des joues rondes et souriait tout le temps, même dans son sommeil. Le soir, avant de le coucher, il fallait attacher à ses jambes, dont les genoux étaient gros et osseux, des attelles qui allaient de la cheville jusqu'à l'aine. Il riait aux éclats quand je les lui mettais, ça le chatouillait et je riais avec lui. Je le bordais bien serré dans le grand lit de mes parents, qui lui avaient prêté leur chambre, et je m'allongeais à côté de lui et caressais ses cheveux en lui racontant une histoire. Il ne parlait pas. Il acquiesçait de la tête et souriait des yeux et de la bouche à ceux qui s'occupaient de lui.
Le dimanche il y eut la fête foraine. J'emmitouflai le petit Coline, nouai sous son menton les cordons de son bonnet, serrai les lacets de ses chaussures orthopédiques, et je l'emmenai à la fête. Je montai avec lui sur un grand cheval de bois qui glissait le long de sa tige, galopant au ralenti. Les joues du petit Coline étaient presque aussi rouges que le pompon de son bonnet ; comme il était enrhumé, deux chandelles de morve coulaient de ses narines et des larmes de froid s'échappaient de ses yeux brillants. Ses doigts étaient glacés parce qu'il avait voulu enlever ses moufles pour prendre les rênes. Je serrai contre moi le petit Coline en me jurant que si un jour j'avais un enfant comme lui, je l'aimerais aussi fort. Il était l'innocence personnifiée et lorsque des camarades de classe me questionnèrent au sujet de cet enfant à l'air étrange, je regrettai de ne pas pouvoir leur répondre que c'était mon petit frère."



Extrait de Pour les enfants

mercredi 19 mai 2010

fragile et forte


A paraître...

Liberté totale

« Tout ce que je vous raconte à propos du livre de ma fille, je l’avais déjà compris à la lecture du manuscrit, avant de lire le vrai livre. Mais je n’y avais pas attaché d’importance. J’avais rejeté tous les sentiments négatifs dès qu’ils avaient pointé le bout de leur vilain nez. J’avais estimé que Johanna avait le droit d’écrire ce qu’elle voulait, que rien de ce qu’elle racontait ne devait être censuré, qu’en termes de littérature la maladie et la mort de mon père ne m’appartenaient pas, que la vie de ma fille cadette ne m’appartenait pas, ni celle de ma mère, et que ma vie non plus ne m’appartenait pas, que Johanna pouvait faire feu de tout bois. »

Extrait de épidermie

vendredi 14 mai 2010

de toutes ses forces

« J’avais été ensorcelée par un endroit magique, le court de tennis, rectangle de dalles disjointes entre lesquelles poussaient l’herbe et la mousse, à l’ombre mouvante des arbres immenses qui le cernaient de toutes parts. Annelise crispait ses doigts sur la raquette, ses jointures blanchissaient et les veines saillaient à l’intérieur de son bras. Elle frappait la balle de toutes ses forces, elle y mettait une sorte de hargne. Nous devînmes amies. »


Extrait de Pour les enfants


lundi 10 mai 2010

Intuition


.........Femme de sel
............statue de pierre
................nymphe assassine
......./...//////..je suis elles mais de chair aussi
......................ma peau est douce sous tes caresses
....................................et si mes yeux ne te voient pas

..............................................tout près de moi je te devine


Extrait de ANTHROPOMORPHISMES volume I

vendredi 7 mai 2010

Mères

"J'ai des rides, des cheveux blancs, je suis souvent fatiguée, même sans raison particulière, et pourtant je sens en moi la femme jeune et insouciante qui bataille, qui a envie de solitude, de voyages, de grands espaces et d'intimité avec son amoureux, et qui n’a pas besoin ou n’est pas obligée de penser sans cesse aux enfants. Mais la mère parfaite n'a pas dit son dernier mot. Parce qu'au moment même où je vous ai dit tout ça, elle a sursauté, et la femme jeune et insouciante s'est aussitôt sentie moins jeune et moins insouciante. Elles cohabitent en moi, la mère parfaite et la mauvaise mère. Elles se livrent une guerre futile et stupide, puisque jamais l'une ne gagne sur l'autre."



Extrait de épidermie

jeudi 6 mai 2010

Escalade

"Relevant la tête, je continuai mon ascension jusqu'à ce que je me retrouve sur le balcon du deuxième étage aux côtés d'Olivier et de Jo. Ils m'assaillirent aussitôt de reproches : qui allait surveiller la rue maintenant ? Quentin et moi pouvions alterner, répliquai-je timidement, mais à ma vive surprise ils acquiescèrent comme s’il n’avait jamais tenu qu’à moi d’être leur égale, et nous poursuivîmes le jeu sans autre discussion : Jo grimpait en premier, suivi d’Olivier, puis Quentin me faisait la courte échelle et lorsque j'avais atteint le balcon supérieur je reprenais le guet pendant qu'il escaladait à son tour."


Extrait de Pour les enfants