© Ce blog présente les ouvrages de
Camille Rouschmeyer
parmi ses écrits et ses photographies au jour le jour.





dimanche 15 décembre 2013

jeudi 12 décembre 2013

éternels


J’ai détesté vos silences
et plus encore vos cris
j’ai pleuré en silence
et j’ai crié sans bruit
pourtant je vous aimais
sans jamais vous le dire
toi tu parlais tellement
et lui il se taisait
vous étiez ennemis
pour des riens des broutilles
et pendant tout ce temps
vous auriez pu sourire
vous auriez pu en rire
mais toi tu te taisais
et je te haïssais
de ne rien lui dire
de ne pas lui sourire
c’était ta femme ta compagne
de tous les jours tous les instants
l'autre nuit j'ai rêvé de vous
elle marchait devant toi
qui lui donnais la main
vous étiez mes guides
et je vous suivais
j’avais confiance en vous
et en me réveillant
vous étiez toujours là
le souvenir de vous
plus fort qu’un souvenir
m’est resté dans le cœur
jamais je n’aurais cru
vous aimer à ce point
vous me manquez tellement
je me souviens de tout
des peines et des joies
et des vacances heureuses
je me souviens de vous
de vos gestes vos regards
vos visages si beaux
et vos corps amaigris
de tes derniers instants
sur un lit d’hôpital
où je t’ai vu mourir
du dernier jour où je t’ai vue
douce et vulnérable
sur un lit médical
mais vous êtes vivants
si vivants dans mon cœur
présents jour après jour
vous ne pouvez plus mourir
je suis la chair de votre chair
c’est peut-être l’explication
la mémoire de mes cellules
tant de mystères insolubles
qu’est-ce que la mort
elle me fait peur
toi je t’ai vu mourir
mais je ne l’ai pas vue
elle a gardé ses secrets
mais n’a pas tout emporté
elle m’a laissé vos visages
si beaux si tendres
et vos regards et vos sourires
et tous les instants de ma vie
où je vous regardais de loin
parce que je vous croyais
éternels







lundi 2 décembre 2013

Horizon


dimanche 16 juin 2013

Plan fixe




vendredi 14 juin 2013

Le petit monde du travail


Tu n'as pas fait ci
Tu aurais dû faire ça

Mais j'ai fait de mon mieux

Ouvre tes yeux
Cherche un peu mieux

Pourtant j'ai regardé

Finalement se taire
Et faire pour bien faire
Pour se faire plaisir
Et non pour obéir

Se dire je suis une île
Une très douce
Très jolie île
Que vous ne verrez jamais
A moins d'ouvrir vos yeux

Et vous aussi êtes des îles
De très jolies
Très charmantes îles
Que parfois j'aperçois
Au détour d'un silence
Ou d'un mot moins sévère


mardi 4 juin 2013

Les ogres

Ils ont des gencives dures et nues qui vous serrent la poitrine, des ongles minces qui laissent dans votre cou des griffures.
Ils ont des cris entre chien et loup qui vous tirent du sommeil, et des grands yeux dans lesquels votre visage vous fait face.
Ils fabriquent des jours interminables qui n'en finissent pas de vous tuer, des secondes friables et diffuses où votre être entier rayonne avant de s'éteindre comme sous la semelle d'un géant.
Ils ne ressemblent pas à ceux des livres d'enfants, n'ont rien de grand ni d'effrayant.
Ils mettent votre âme à sac et jamais ne cesseront de vous réveiller.
Et le pire de tout, c'est que vous les aimez.

lundi 3 juin 2013

Plan fixe


mercredi 29 mai 2013

Paris en mai

















vendredi 12 avril 2013

Portes







lundi 18 mars 2013

Décalage horaire


mardi 12 mars 2013

Poulet-Fromage


La physionomie de Poulet-Fromage n’a rien de bien remarquable, si ce n’est son sourire. Comme dessiné à la craie sur son visage rond, il vous incite à lui sourire en retour même si vous n’en ressentez pas la moindre envie. Tous les mercredis que dieu fait, ou presque, Poulet-Fromage vient acheter son menu. Au début il demandait toujours un sandwich poulet-fromage, sans cornichons si possible. Ce n’était pas possible, bien entendu, puisque tous les sandwichs baguettes contiennent des cornichons, tous sans exception. A moins que l’on commande son sandwich en spécifiant bien « sans cornichons ». Mais Poulet-Fromage n’a jamais pris la peine de commander son sandwich, si bien qu’il a toujours reçu des mains de la boulangère le sandwich classique cornichonné selon l’humeur de la préposée au labo. Si c’était Julie, il pouvait s’estimer heureux, celle-ci avait une tendance certaine à la radinerie et ne dépassait jamais deux lamelles. Mais comme elle ne mettait pas plus de quatre morceaux de poulet, finalement il ne devait pas y trouver son compte : il pouvait ôter le surplus de cornichons, mais comment rajouter des morceaux de poulet ? Donc, à bien y réfléchir, c’est peut-être pour cela que s’il apercevait Julie au fond de la boutique, il semblait hésiter et parfois repartait seulement avec une baguette. Pas trop cuite, spécifiait-il alors, son sourire s’élargissant à mesure que s’étalait sur ses joues pleines une roseur dont il rougirait certainement longtemps après avoir quitté la boulangerie. Car Poulet-Fromage est un grand timide, même s’il tente de donner le change.
De retour chez lui, il pose la baguette sur la table de la cuisine, se débarrasse de son manteau, qu’il accroche à la patère derrière la porte d’entrée, se baisse pour délacer ses chaussures, se redresse et les fait glisser ensemble sous le banc adossé au mur du couloir. Il est très fier de ce geste, qui lui a demandé de nombreuses heures d’entraînement : essayez donc de faire glisser une paire de chaussures sur une distance de trente centimètres sans que l’une des deux reste en rade. Mais après avoir longtemps pratiqué, il a trouvé la bonne méthode : le pied droit tourné vers l’extérieur, sa pointe légèrement relevée, juste ce qu’il faut, il enveloppe les deux chaussures dans le creux de son pied, qu’il a suffisamment grand pour cela, et les pousse délicatement jusqu’à ce qu’elles aient atteint leur port d’attache, sous le banc. L’instant critique est celui de l’impulsion, celui où sa plante de pied vient épouser les deux talons en les resserrant l’un contre l’autre et simultanément amorce leur déplacement. La simultanéité de ces deux gestes est essentielle : s’il n’entame pas leur glissade au moment même où il n’a pas complètement achevé leur rassemblement, les deux chaussures se séparent, mais s’il les pousse avant que les talons soient sur le point de se toucher, le résultat est identique. Ce geste demande une patience, une lenteur et une précision d’exécution qui lui donnent un sentiment de puissance que rien d’autre ne lui procure.

mardi 5 mars 2013

vendredi 8 février 2013

un rien de brusquerie









"La deuxième personne à qui il rendit visite en pleine nuit était une très jeune et très jolie femme, qu'il avait d'ailleurs choisie à cause de cet air d'innocence propre aux petits enfants, allié à une pureté de traits presque surhumaine. Il l'avait repérée sur une photographie en noir et blanc, au dos d'une brochure qui traînait sur l'un des bureaux de la maison d'édition où elle travaillait, à plein temps, comme il l'apprit très vite.
Faire sa connaissance fut beaucoup plus facile qu'il se l'était imaginé. Il lui suffit de la suivre et de l’aborder dans la rue, après l'avoir bousculée exprès et avec assez de brutalité pour faire tomber le paquet de gâteaux qu'elle venait d'acheter à la pâtisserie.
Il était resté dehors, caché à sa vue par les décorations et les boîtes de bonbons. S'il avait pu craindre un instant qu'elle ne se tourne vers lui pour choisir des confiseries plutôt qu'un des éclairs ou des babas qui ne semblaient pas la tenter, il fut vite rassuré en la voyant pointer son doigt vers la vitrine réfrigérée, derrière la vendeuse, qui en ouvrit alors la porte pour en extraire un vacherin aux framboises. Il avait tout loisir de contempler cette femme enfant, dont la joue droite se creusa d'une fossette et dont les petites mains potelées s'emparèrent du paquet avec un rien de brusquerie. Il se représentait déjà sa mine réjouie lorsqu'elle l’ouvrirait, il imagina son visage frémissant sous l'impact de la fraîche saveur acidulée… et la bouche de Clara lui souriant de plaisir par-dessus la crème Chantilly.

Il se tenait là, immobile, enlacé par une tristesse violente et familière, lorsque la jeune fille sortit du magasin. Il envoya Clara au diable.
Se précipitant comme s'il avait craint que la pâtisserie ne ferme ses portes – le ciel s’était assombri, annonçant la nuit –, il fonça. Epaule contre épaule, le choc fut aussi efficace qu’il l’avait anticipé. La jeune fille poussa un cri et aussitôt se baissa pour ramasser le paquet qui avait chu avec un bruit mat sur le trottoir mouillé. S'agenouillant à son tour, il se retrouva face à un regard empli de reproche."




Extrait de Carmelle Endicott (à paraître)

mardi 8 janvier 2013