© Ce blog présente les ouvrages de
Camille Rouschmeyer
parmi ses écrits et ses photographies au jour le jour.





mercredi 27 juin 2012

l'enfant endormi


Ouvrant de grands yeux, le pouce toujours dans la bouche, la fille à qui elles avaient confié leur petit garçon ne paraissait pas beaucoup plus âgée que lui, et Lou éprouva un peu de remords, aussitôt remplacé par une soudaine inquiétude. Que faisait Joël, justement ? Elle se précipita dans l’escalier menant à sa chambre et ouvrit la porte sur laquelle étaient suspendues en arc de cercle les quatre lettres de son prénom.  Il dormait, en position fœtale comme à son habitude, les deux poings serrés sous son menton, les lèvres tétant dans le vide. Eprouvant un soulagement irrationnel – qu’aurait-il pu donc faire, à cette heure de l’après-midi, sinon la sieste ?! – Lou se pencha sur l’enfant endormi et embrassa son front, qui lui parut chaud. Elle y posa la main. En effet, il avait certainement un peu de fièvre, pas étonnant avec la chaleur qui n’avait cessé d’augmenter depuis le lever du jour.

jeudi 21 juin 2012

cet espace infime


Je me suis assis juste à côté de sa main posée à plat sur l’herbe, doigts écartés. Elle avait des ongles très courts, qui laissaient voir l’arrondi du bout de ses doigts, leur chair dense et luisante. J’ai posé ma main contre cette étoile de mer, jusqu’à la toucher, mais pas tout à fait. Combien de centièmes de millimètres séparaient ma main de la sienne, me suis-je demandé. Un brin d’herbe très fin, dont l’extrémité avait dû être mangée par un insecte, émergeait de cet espace infime. Si je coupe ce brin d’herbe et le rapporte chez moi pour le mesurer, je saurai précisément la distance qui me sépare d’elle, ai-je pensé. Et j’ai ouvert la bouche pour lui dire cela. Mais aucun mot n’est sorti de ma bouche, car l’étoile de mer avait bougé sans que je m’en aperçoive et était venue se plaquer sur mes lèvres. Je sentais le creux palpitant de son centre, un cœur débordant de vie, sa fraîcheur, et les cinq branches de l’étoile ont glissé sur ma joue, emportant avec elles ces centièmes de millimètres qui m’avaient séparé d’elle.